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Le Tunisien

31 décembre 2010

Que Penser du débat de Nesma TV ??

Que je sache, il y a eu peu ou pas de commentaires ce matin sur le débat "exceptionnel" (au sens premier du terme) qui a eu lieu, manifestement dans les conditions du  direct, sur les ondes de Nesma TV. Voici mes impressions livrées en vrac.

Quand on a fini de regarder ce débat, la première des impressions est celle d'un sentiment de fierté. Celui que l'on a chaque fois que l'on constate qu'il y a une nouveauté qui nous indique qu'on est sur la bonne voie. Car après tout, la simple présence de figures naguère aussi bannies comme Bochra Belhaj Hamida et une nouveauté. Qui plus est, la sémantique télévisuelle tunisienne s'est enrichie hier soir avec des mots que nous ne connaissions pas (parce que bien sur ca n'existe PAS…). Comme par exemple "corruption", "black-out" ou même "manifestation" "liberté" etc...Bref tout indiquait que c'était un bon début, une base sur laquelle des choses intéressantes peuvent être construites

Hélas, les apparences me semblent  trompeuses. Voici pourquoi:

1- Ce réajustement n'est en rien structurel. Il est exclusivement stratégique. Très symptomatique, la libéralisation de la presse a été justifiée par la nécessité de s'adapter a la prolifération des téléphones portables avec caméra (???!!).

Ainsi donc, l'état léthargique de notre presse nationale se trouve, non pas injustifié, non pas inique, mais (tout simplement !) anachronique et inefficace. Ainsi donc, le musellement des voix libres quand il s'exerce avec le plus grand zèle, n'est pas (n'ayons pas peur des mots) illégal, et anticonstitutionnel, mais tout simplement passé de mode...

Non Mme Charfi. Je me permets de vous rappeler, vous dont l'engagement historique ne souffre pourtant aucun doute, que la Constitution Tunisienne, dans son article 8, garantie la liberté d'opinion, et la liberté d'expression, de presse et d'association. Je me permets de vous faire remarquer que la violation de la Constitution est un délit puni par la Loi. Dire aujourd'hui que la vielle école est dépassé, c'est peut être faire un constat vrai sans être juste. Votre rôle, notre rôle a tous, c'est d'appeler a faire respecter la Loi, toute la Loi et rien que la Loi. 

Et tant que cette Loi n'est pas appliquée et respectée, tout discours, si beau soit il, risque hélas d'avoir l’effet temporaire d’un sédatif.

2- L'attaque contre Aljazeera est aussi symptomatique d'une impasse idéologique des instances en charge de l'information en Tunisie. Par impasse, j'entends une incompréhension structurelle ( et j’espère non intentionnelle) de ce que doit être une information libre:

Oui Aljazeera a eu un traitement biaisé des événements de Sidi Bouzid. Et oui, ouvrir un journal sur Sidi Bouzid était certes par trop excessif au regard de ce qui se passe par ailleurs en Cote d’Ivoire, dans les territoires palestiniens etc…. Cependant, qu’aurait été toute cette affaire de Sidi Bouzid sans l'acharnement (motivé?) d'al jazeera? Nesma aurait elle eu l'idée de l'émission d'hier soir sans Aljazeera? La rue aurait-elle eu les moyens de "savoir" ce qui se passait à Sidi Bouzid? Il faut au moins avoir l'honnêteté morale et intellectuelle de reconnaitre à Aljazeera d'avoir relayé des informations cruciales à un moment ou le ministère en charge de l'information s'appliquait à faire un black-out sur TOUS les moyens d'information.

Plus important encore, si "l'agenda" de al jazeera est sujet a discussion, peut-on reprocher a quelque’ organe d'information que ce soit, sa propre ligne éditoriale? Sauf a avoir les mêmes pratiques anachroniques et autoritaires qu'on dénonce aujourd'hui, la réponse doit être sans ambigüité : NON ! 

Ainsi donc, la pratique de la presse libre, Mme Charfi, suppose que nous acceptions que des ennemis (y compris des ennemis de la liberté ou des organes aux motivations peu amènes) puissent exister et s'exprimer. Les combattre, c'est combattre point par point, et avec application et acharnement, leurs idées, non leur présence. Il s'agit d'un point très important pour la période qui s'annonce, car tout l'édifice ne sera que trop fragile, et je le crains temporaire, tant qu'on n'accepte pas l'existence de l'autre, aussi moche, aussi réac soit il. Oui Aljazeera c'est moche. Mais oui aussi, elle a le droit. Peut être même le devoir d'exister, car beaucoup s'y reconnaissent. Nous la combattrons volontiers, ensemble, avec acharnement, avec panache. Mais avec honnêteté intellectuelle.

3- Que vient faire le reportage sur la crise mondiale?  N'a t-on pas dit et répété sur TV7 que la Tunisie était a l'abri et que la marche du développement suivait son cours, tranquillement et surement??? Que peut on dire de la façon, par trop superficielle, dont la corruption a été traitée dans le débat - un phénomène (bien-sur…) limité a quelques instances régionales et des individus malintentionnés? Pourquoi n'a -ton pas évoqué les revendications civiques et politiques qui EXISTENT bel et bien dans les manifestations? Pourquoi n'a t-on pas abordé des choses aussi cruciales que la faiblesse des contre-pouvoirs en Tunisie, l'état calamiteux du tissu associatif et celui de la société civile? L’absence criarde des instances dirigeantes de l'UGTT et des partis politiques ces deux dernières semaines ? et la non-existence des forces vives et crédibles de la nation, comme instance de canalisation d'un mouvement spontané qui a eu le plus grand mérite d'être raisonnable, pragmatique et ordonné, bref le mérite d'avoir été proprement tunisien!

Pourquoi n'a t-on pas parlé du clientélisme qui fait la règle plus que l'exception aujourd'hui, d'un appareil de l'Etat dont l'image a été nivelée vers le bas? De toutes ces revendications qui ne se plus limitées au champ socialo-économique, mais qui portent d'ores et déja sur la nature de ce qui doit désormais changer structurellement : Réhabiliter la noblesse de la politique propulser ce que nous appelons communément "Rouh al Mouatana"

Beaucoup de questions restées hélas sans réponse hier soir. Je ne saurai personnellement dire si cela relève de la peur, des faux-fuyants, de la tactique de tromperie, du manque de vision, de "siyesset el marahel"...Mais peu importe. Ce sont des questions qu'il faudra poser et auxquelles il faudra répondre, Je n’en doute pas.

Et ces questions, c'est à nous d'y répondre. Tous.

 

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31 décembre 2010

Préambule

Comme pour tous les tunisiens, il aura fallu des événements aussi tragiques que ceux de Sidi Bouzid pour que s'exprime, dans chacun d'entre nous l'envie, que dis-je, le besoin, d'exprimer des frustrations civiques par trop longtemps refoulées. Trop était manifestement trop.

Exprimer aussi la fierté de faire partie de ce bon peuple qui a su dire, avec le verbe juste, et d'une manière civilisée et raisonnée dans son ensemble, le besoin de réajuster en profondeur notre modèle de vivre ensemble, notre gouvernance, et surtout notre attachement a des choses aussi essentielles que la République et ses valeurs et au civisme. Preuve encore (en est il vraiment besoin) que "Notre peuple a atteint un tel niveau de responsabilité et de maturité que tous ses éléments et ses composantes sont à même d'apporter leur contribution constructive à la gestion de ses affaires, conformément à l'idée républicaine qui confère aux institutions toute leur plénitude et garantit les conditions d'une démocratie responsable ainsi que dans le respect de la souveraineté populaire telle qu'elle est inscrite dans la Constitution"

Dire aussi que quelle que soit la tournure finale des événements, il y aura dans ce pays un avant et un après Sidi Bouzid. Cet "après", c'est a chaque "indigène" de le penser, de le construire et d'en faire partie. Plus qu'une possibilité, C'est un devoir. 

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